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La baisse du pétrole au secours de la transition énergétique dans le transport maritime

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La baisse du pétrole au secours de la transition énergétique dans le transport maritime

La mise en place de la transition énergétique dans le transport maritime - sans le report de délai demandé par les armateurs - a finalement été rendue possible par la chute inespérée des prix du pétrole.

Explication avec Eric Banel, délégué général d'Armateurs de France.

Eric Banel, pouvez-vous tout d'abord nous rappeler en quoi consiste cette réglementation sur la baisse des émissions de soufre, pour les navires marchands ? 

Eric Banel - Cette réglementation a été adoptée en 2008, qui fixe un objectif de ramener, dans les zones européennes, notamment Manche, Mer du Nord, et Baltique, le taux de soufre dans le carburant à 0,1%. Cet objectif, Armateurs de France le partage, qui a participé à sa fixation. 

Quelles sont les solutions pour atteindre ces 0,1% ?

Il existe 3 solutions pour atteindre ce niveau. Soit on utilise du gasoil domestique, mais le gasoil est cher. Soit on met en place des scrubbers, à savoir des grandes lessiveuses à fumées à l'intérieur des navires, ce qui pose deux problèmes. Jusqu'à présent, ce n'était pas prêt et on ne disposait pas du matériel adapté. Ensuite, cette solution exige de réétudier la stabilité du navire car un scrubber est lourd, et installé dans les hauts, au niveau des cheminées. Enfin, troisième solution, assurer une vraie transition écologique en passant à un autre type de carburant, propre celui-là, le GNL.

Cette solution du GNL est celle que vous avez toujours soutenue chez Armateurs de France

A l'origine, nous avions effectivement comme objectif d'assurer la transition écologique de notre flotte à partir de ce type de carburant, le plus propre qui soit, notamment de notre flotte de ferries, qui assure les liaisons en cabotage côtier, et qui est particulièrement concernée par cette réglementation. Pour cela, il est clair que nous avons besoin de temps, parce que cela exige de repenser fondamentalement le bateau ou de construire un bateau neuf. Construire un ferry, qui est un bateau lourd, intégrant beaucoup de technologies, prend entre deux et trois ans...

Vous êtes donc sur des périodes de temps assez longues !

C'est la raison pour laquelle nous avions demandé de pouvoir aménager les délais de mise en application de cette réglementation au 1er janvier 2015. Cela n'a pas été possible parce que l'Europe n'a pas voulu le faire, considérant que le 1er janvier 2015 était une date sur laquelle elle ne voulait pas revenir. Nous avons donc dû nous préparer cette échéance sans délais, avec des aides que l'Etat a consenties, mais très tardivement.

Quand ont-elles été mises en place

Le premier dispositif d'aide a été mis en place début 2014, à peine 9-10 mois avant l'échéance !! C'était évidemment trop tard !! Il y a un an, on était très pessimistes sur cette question. On a beaucoup craint que la mise en place de cette réglementation conduise à des pertes d'emplois et à des pertes d'activités ! Nos collègues étrangers, notamment le danois DFDS, nous avaient dit qu'il fermeraient des lignes, parce que l'augmentation des coûts dans un temps aussi court rendrait le transport maritime moins compétitif et conduirait à faire du report modèle inverse, à savoir tout le contraire de la politique européenne depuis 15 ans !!

Quelle est la situation en ce début de mois de février 2015 ?

Ce qui nous a beaucoup aidé depuis 3 mois, et qui nous évite aujourd'hui de parler de catastrophe, c'est la baisse du prix du baril de pétrole, qui a permis de nous donner un délai supplémentaire, pour passer au scrubber ou au GNL. Ce délai, espérons qu'il dure plusieurs mois, suffisamment en tout cas pour nous permettre d'aller au bout de notre transition. Il est une vraie bouffée d'oxygène pour nos entreprises. Clairement, ce qui était totalement impensable il y a deux ans parce que la gasoil coûtait 80 à 100% de plus par rapport au prix des soutes (de fuel ndlr.), est désormais possible. Il faut savoir que le prix des soutes, sur une expédition, représente près de 40% de son coût !! Il y a deux ans, l'hypothèse un gasoil accessible était complètement inimaginable. Aujourd'hui, c'est une hypothèse réaliste qui a été mise en place depuis le 1er janvier par bon nombre de nos entreprises, tout simplement parce qu'elle est rendue possible par la chute des prix ! 

En fait, le marché vous a finalement donné les délais que vous demandiez pour organiser la transition énergétique de la flotte !

Oui, ce que que nous n'avons pas obtenu de la commission européenne d'un point de vue juridique, nous l'avons obtenu du marché !! 

Il y a une part de chance énorme dans cette situation, mais derrière celle-ci, l'Etat va-il aider les armateurs à assurer cette transition énergétique qui est particulièrement coûteuse ?

Aujourd'hui, la transition énergétique est un choix. C'est un choix politique de nos adhérents et notre volonté, c'est de l'assumer avec les moyens qui sont les nôtres. Nous sommes plus confrontés à un problème de temps, qu'à un problème de coût, parce que l'on ne peut pas faire basculer tous ses navires en même temps !! En tout cas, l'objectif est fixé, et la plupart des armateurs aujourd'hui, ne comptent pas sur les aides qui peuvent être apportés par les uns ou par les autres dans ce domaine. Pour nous, l'Etat doit se concentrer sur la recherche, ce que l'on appelle le navire du futur, à savoir entreprendre des recherches sur de nouvelles technologies et solutions qui permettront demain de penser le navire différemment, et donneront à notre flotte un avantage comparatif fort. C'est le travail du Corican, présidé par Emmanuel Macron, qui définit le navire de demain. Cet aspect relatif à de la recherche fondamentale, c'est vraiment ce sur quoi on attend l'Etat !!


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